【国际参考】法国: 埃尔诺获”诺贝尔“文学奖 Nobel de littérature 2022 à Annie Ernaux
Le Nobel de littérature 2022 a couronné, jeudi 6 octobre, Annie Ernaux et son œuvre en grande partie autobiographique, faisant de cette figure féministe issue d’un milieu modeste la première Française à décrocher le prix…(cliquez ici pour la suite)
The Nobel Prize 2022 in literature was awarded on Thursday, October 6, to Annie Ernaux and her largely autobiographical work, making this feminist figure from a modest background the first French woman to win the prize… (click here for more)
L’écrivaine Annie Ernaux
2022年 诺贝尔文学奖颁给了法国作家 安妮·埃尔诺 Annie Ernaux
法国如今有 17人获诺贝尔文学奖,居世界之首,埃尔诺是其中的第一位女作家。已过世的 波伏娃 (Simone de Beauvoir)、杜拉斯 (Marguerite Duras)名气比她大,都只得了 龚古尔 (le Prix Goncourt) 文学奖。尤瑟纳尔 (Marguerite Yourcenar)名满天下,1980年当选法兰西院士,那是法国的第一位女院士,也与诺贝尔文学奖无缘
Prix Nobel d’Annie Ernaux : « Son succès hors de la France est lié à l’universalité de ce qu’elle exprime »
La reconnaissance d’Annie Ernaux à l’international, dont l’œuvre convoque l’universel dans le récit singulier de son existence.
Annie Ernaux est considérée depuis plusieurs décennies comme un poids lourd de la littérature en France, quand a-t-elle commencé à jouir d’une reconnaissance internationale ?
Selon moi, cela s’est fait en deux temps. Premièrement, au début des années 1990, lorsque son œuvre est étudiée par le monde académique anglo-saxon, au Royaume-Uni, au Canada et aux Etats-Unis. C’est une première forme de reconnaissance et un coup d’accélérateur à la diffusion des écrits d’Annie Ernaux.
La reconnaissance du grand public est un peu plus tardive et va se faire dans le courant des années 2010, au moment de la traduction en anglais des Années (Gallimard, 2008 ; 2018 pour la traduction). En 2019, ce livre permet à Annie Ernaux d’être finaliste du Man Booker Prize [le plus prestigieux prix pour la littérature étrangère au Royaume-Uni]. Elle ne remporte pas le prix, mais cette nomination fait grandement croître sa popularité à l’étranger. Son œuvre est aujourd’hui traduite dans quarante langues, dont bien sûr l’espagnol, l’anglais ou l’allemand, mais aussi le serbe, le bulgare, le géorgien ou encore le japonais.
Comment expliquez-vous son succès au-delà de nos frontières ?
Son succès est lié à l’universalité de ce qu’elle exprime. La force d’Annie Ernaux, c’est de partir d’une expérience qui est la sienne, bien qu’ancrée dans une France de la seconde moitié du XXe siècle, tout en réussissant à toucher des individus partout sur le globe, en se défaisant des frontières terrestres, sociales et de genre. Les lecteurs se retrouvent dans ses œuvres, c’est assez impressionnant.
Je donne pour exemple ses trois plus grands succès en traduction et à l’international : La Place (1984), Passion simple (1992) et Les Années (2008). La Place, qui retrace l’histoire de la perte de son père [et évoque le café épicerie d’Yvetot, en Normandie, où elle a grandi], est finalement centré sur la relation entre un père et sa fille et sur le transfuge de classe, deux thèmes qui sont sans frontière. Passion simple, récit dans lequel l’autrice raconte avoir été dévorée par une passion amoureuse pour un amant russe, est bien mieux accueilli à l’étranger qu’en France, où il est jugé déplacé, voire obscène. Alors qu’il n’y a rien de plus universel que la passion, où qu’on se trouve sur la planète ! Enfin, Les Années, ouvrage dans lequel l’autrice donne à ressentir la France du XXe siècle… Le livre n’a pas été sans difficulté pour les différents traducteurs : ils ont eu un énorme travail à fournir pour trouver des références historiques équivalentes dans chaque pays, mais ce travail a permis de créer un XXe siècle commun à tous les lecteurs.
Ces œuvres ont été saluées par de multiples prix depuis le milieu des années 2010, en Italie, en Allemagne, en Espagne, jusqu’au prix Nobel de littérature.
Son engagement féministe a-t-il joué un rôle ?
Annie Ernaux est perçue à juste titre à la fois comme une écrivaine engagée politiquement et comme une écrivaine féministe. Sa préoccupation première, c’est la condition des femmes dans le monde, la liberté de parole, la liberté d’agir, de faire, et de disposer de son corps. Son engagement est très net et mis en lumière médiatiquement à l’étranger, même si elle n’est pas réduite à cela.
Sa dimension féministe a sans nul doute participé à la diffusion un peu partout dans le monde de ses œuvres, qui résonnent d’autant plus dans le contexte post-#metoo que connaissent nos sociétés. Elle est heureuse de porter ces messages sur le transfuge de classe ou la passion amoureuse à l’international, même si c’est du temps souscrit à l’écriture. Pour elle, la littérature, c’est changer les choses, même au-delà de l’Hexagone.
Annie Ernaux’s international recognition is “linked to the universality of what she expresses”
The international recognition of Annie Ernaux, whose work conjures the universal in the unique story of her own life.
Ms. Ernaux has been considered a literary icon in France for several decades. When did she begin to enjoy international recognition?
In my opinion, it happened in two stages. First, in the early 1990s, when her work began to be studied by the Anglo-Saxon academic world, in the United Kingdom, Canada and the United States. This was the first form of recognition and a boost to the popularity of Ms. Ernaux’s writing.
Recognition from the general public was somewhat delayed and was achieved during the 2010s, with the English translation of Les Années [Gallimard, 2008; 2018 for the translation as The Years]. In 2019, this book made Ms. Ernaux a finalist for the Man Booker Prize [the most prestigious prize for foreign literature in the UK]. She did not win but this nomination greatly increased her popularity abroad. Her work has been translated into 40 languages, including Spanish, English and German, but also Serbian, Bulgarian, Georgian and Japanese.
How do you explain her success beyond our borders?
Her success is linked to the universality of what she expresses. Annie Ernaux’s strength is that she starts from an experience that is hers, even though it is rooted in France in the second half of the 20th century, while managing to reach people all over the world by breaking down geographical, social and gender barriers. Readers see themselves in her work, which is quite impressive.
I give as an example her three biggest successes in translation and internationally: La Place (A Man’s Place, 1984), Passion simple (Simple Passion, 1992) and Les Années (2008). La Place, which tells the story of the loss of her father [and evokes the grocery store in Yvetot, Normandy, where she grew up], ultimately centers on the relationship between a father and daughter and the issue of class displacement, two themes that know no boundaries. Passion simple, a story in which the author tells of being consumed by a love affair with a Russian lover, has been much better received abroad than in France, where it was considered inappropriate, even obscene. And yet there is nothing more universal than passion, no matter where you are on the planet! Finally, Les Années, a work in which the author gives a sense of 20th-century France. The book was not without difficulty for the various translators: They had to do an enormous amount of work to find equivalent historical references in each country, but this work made it possible to create a 20th-century common to all readers.
These works have received multiple awards since the mid-2010s, in Italy, Germany, Spain and even the Nobel Prize for Literature.
Did her feminist commitment play a role?
Annie Ernaux is rightly seen as both a politically committed writer and a feminist writer. Her primary concern is the condition of women in the world, the freedom of speech, the freedom to act, to do and to have freedom over her body. Her commitment is very clear and highlighted by the media abroad, even if she is not reduced to that.
Her feminist dimension has undoubtedly contributed to the worldwide diffusion of her works, which resonate all the more in the post-#MeToo context of our societies. She is happy to bring these messages on class displacement or romantic passion to the international scene, even if it is time taken away from writing. For her, literature is about making a difference, even beyond France.